Préambule :
si vous trouvez ce texte long, sachez que ce fut un après-midi très long pour
nous aussi.
Aucun signe
de pause, alors on continue.
Mme la
rapporteur lit cette fois son travail concernant les arrêtés loi sur l’eau.
Dans un premier temps, elle explique le déroulement.
La commission d’enquête loi sur l’eau a donné
un avis favorable, mais avec deux réserves : une validation scientifique
de la méthode de compensation et la présentation d’un cadre pour la mise en
œuvre de ces compensations par les agriculteurs.
Un collège
d’experts scientifiques a bien été désigné.
Un accord a
bien été signé entre l’Etat, AGO et la Chambre d’Agriculture pour la mise en
œuvre des mesures de compensations.
Dans la suite
des conclusions de la commission de dialogue, la DGAC a fait un rapport sur la
faisabilité et le coût du maintien de Nantes Atlantique.
Le CODERST
(Conseil départemental de l’environnement) a donné un avis favorable au dossier
eau.
Le tribunal
administratif de Nantes, en juillet 2015, a rejeté par 4 jugements les demandes
des opposants, mais dans le cinquième a complété le dossier en réduisant à 25
m2 la place de parking.
Elle
rappelle qu’il s’agit de traiter un dossier concernant 1255 ha de zone humide en
tête de bassin versant et on sait que les têtes de bassin versant jouent un
rôle important sur la qualité des milieux aquatiques.
Elle traite
ensuite successivement les requêtes.
En termes de
documents tout est en ordre.
Les
requérants critiquent la fonctionnalité des compensations établies sur une base
2010. En s’appuyant sur le rapport du collège d’experts scientifiques qui a
émis de fortes réserves sur l’état des lieux, réserves reprises par le CNPN
(Comité National de Protection de la Nature).
En réponse,
Mme explique que le collège d’experts souligne des défauts de calendrier, mais
reconnait les efforts réalisés et il ne met pas en avant de trous dans ce
calendrier. Le SAGE (Schéma d’aménagement et de Gestion de l’Eau) a donné son accord.
De plus, la commission d’enquête Loi sur l’eau a jugé satisfaisant l’état
initial. Bien qu’il y ait une liste d’agriculteurs engagés à ne pas mettre en
œuvre de compensations pour le projet, Il ne faut pas retenir cette requête.
Ne pas
retenir non plus, la requête concernant l’insuffisance du suivi, car, s’il y a
insuffisance, le protocole garantit que ce sera corrigé.
Les
requérants critiquent l’étude d’impact spécifique hydraulique. C’est inopérant.
Les
requérants dénoncent l’irrégularité de l’enquête publique loi sur l’eau car les
mesures compensatoires y ont été modifiées, entrainant une baisse des surfaces
et une baisse de l’enveloppe par rapport à la DUP initiale. Le projet n’a pas
été modifié substantiellement, le public a donc été mal informé.
Pour Mme le
rapporteur, ce dossier ne demande pas à être soumis à l’autorité
environnementale (pour informer le public), il faut donc écarter ce moyen
(c’est-à-dire cet argument).
Question
suivante : les requérants dénoncent la dégradation de la qualité de l’eau qu’entrainerait
le projet alors qu’il y a obligation de maintenir la qualité des masses d’eau.
Mme le
rapporteur cite la loi française qui exige une gestion équilibrée et durable de
l’eau et précisément de prendre toutes les mesures pour éviter une détérioration
de la qualité de l’eau. On ne peut y déroger que si tout a été fait pour éviter
cette incidence négative et que si l’ouvrage présente un intérêt majeur pour la
santé et la sécurité.
Dans le
SDAGE (Schéma départemental d’Aménagement et de Gestion de l’eau) pour les
années 2016 à 2021, aucun projet d’intérêt majeur n’a été retenu.
Elle
continue. La directive européenne, article 4, dit que les Etats doivent prendre
les mesures pour maintenir la qualité de l’eau. On ne peut y déroger que s’il y
a un intérêt majeur en jeu et que si les moyens sont mis en œuvre pour
restaurer la qualité. Les Etats doivent refuser tout projet particulier qui
entraine une dégradation de l’état des masses d’eau de surface. Il y a
dégradation dès qu’un élément se dégrade.
Les requérants
disent que la température de l’eau va augmenter. L’ONF dit que l’étiage va
augmenter, or, il n’y a pas de correctif. Je ne sais pas si j’ai tout compris.
Quel est
l’impact du dégivrage ? Des produits de type glycol seraient utilisés. Cela
représente 7500 l par an. Il est prévu que 75% soit traité et évacué, mais il
en restera 25% dans l’environnement. Cela aura un impact sur le taux d’oxygène
de l’eau. Or, ce point n’est pas étudié.
La salinité
sera impactée par le déverglaçage. AGO a l’autorisation d’utiliser jusqu’à 1 T
de produit par jour alors que l’estimation se situe entre 13.5 et 27 T par
jour. Les conséquences n’ont pas été examinées.
La
fonctionnalité bio-géo-chimique de l’eau sera dégradée.
Il y aura
530 Ha de zones humides impactées. Il faudrait restaurer à l’équivalent. Une
des critiques du collège d’experts est que la destruction est immédiate alors
que les compensations se feront beaucoup plus tard.
Elle cite
également le SDAGE où il est précisé que les zones humides représentent une grande
diversité. Elles ont régressé depuis 50 ans et cette régression se poursuit.
Elles ont un rôle de dénitrification. On a besoin d’un maillage de zone humide
et le préserver est un enjeu majeur. C’est pourquoi le SDAGE a décidé de
supprimer toute subvention au drainage et à l’irrigation.
La
plateforme va dégrader la masse d’eau : sa température, le taux d’oxygène
et la salinité. Elle va donc dégrader la fonctionnalité bio géo chimique.
Elle cite
toujours les éléments du débat. Dans son mémoire en défense, le ministère
demande aux opposants de faire la preuve de la dégradation. Eh bien, non !
C’est aux porteurs de projet de montrer qu’il n’y a pas de dégradation !
Nous
n’applaudissons pas, mais le cœur y est. Le vent tourne, mes amis, le vent
tourne.
Elle
poursuit avec le mémoire d’AGO. Celui-ci, argumente que compte tenu de la
faible taille de l’aéroport, la masse d’eau impactée sera très faible. Le
risque lié aux produits est très faible. Le produit pour le déverglaçage est
bio dégradable et sera géré par des filtres à roseaux. L’impact est donc
acceptable.
Mme la
rapporteur rappelle qu’il faut examiner s’il y a dégradation et pour elle,
cette dégradation est certaine.
Les porteurs
de projet parlent de dégradation insignifiante. Elle est estimée :
seulement 2% de la masse d’eau est concernée pour l’ensemble plateforme et
desserte routière. Cela ne convainc pas la rapporteur qui montre que dans les
textes de loi, française et européenne, il n’est pas question de seuil à partir
duquel la dégradation deviendrait inquiétante
« Je
crois que si nous avions un épisode de rage en France et qu’il touche 2% de la
population. Personne ne considérerait cela comme insignifiant. » dit-elle
pour bien se faire comprendre.
Elle
poursuit : le texte de la cour européenne dit qu’il faut prévenir la
dégradation, il n’y a pas de marge de manœuvre. Personne, ici, ne conteste la
dégradation.
Les
requérants citent la règle du SDAGE : éviter, réduire, compenser. Alors
existe-t-il une alternative ?
La réponse
est oui pour deux raisons : la DGAC a fait l’étude du réaménagement de
Nantes Atlantique et déclare que ce n’est pas impossible et d’autre part
l’étude du ministère de l’écologie (CGEDD) de mars 2016 dit aussi qu’il est
possible de poursuivre l’activité de Nantes Atlantique. L’alternative existe.
Mme la
rapporteur reprend longuement les hypothèses et chiffres de la DGAC pour nous
faire comprendre que l’actuel aéroport peut poursuivre son activité avec des
coûts plus faibles que la construction d’un nouvel aéroport si on compare
des horizons de trafic comparables et qu’il peut assurer
9 millions de passagers. N’avoir qu’une seule piste n’est pas un facteur
limitant. Elle cite de nombreux aéroports à une seule piste avec un trafic bien
supérieur à celui de Nantes. La présence en périphérie de ville n’est pas une exception nantaise. Sur
le bruit, l’ACNUSA (Autorité de Contrôle des nuisances Aéroportuaires) demande
une expertise sur le bruit, le PEB de 2004 est à réviser. En fait, il faudrait
que la DGAC soit réaliste, mais c’est dit en termes diplomatiques.
Il y a donc
bien une alternative avérée et qui répond aux besoins de développement du grand
ouest.
Nantes
Atlantique présente des inconvénients, mais ce qui est fondamental est de ne
pas dégrader la ressource en eau.
Peut-on
vivre sans eau ? Non ! Peut-on vivre avec un aéroport qui n’est pas
idéal ? Oui !
Il est près
de 17h45, Mme la rapporteur arrive à sa conclusion et demande l’annulation des
deux arrêtés loi sur l’eau.
L’avocat
d’AGO répond que cette présentation ne prend pas en compte la modération des
dégradations par les mesures de compensation. On ne peut pas contester s’il y a
une DUP. Pensez au bruit pour les Nantais et à leur santé.
A ce stade,
on se regarde tous sidérés. Le résultat est magnifique, mais aussi, on est tous
épuisés et l’audience n’est pas finie.
Mme la
rapporteur a compris la situation et elle aussi, est fatiguée.
En
concentrant son argumentaire, elle recommande l’annulation des arrêtés
destruction d’espèces protégées pour le même motif : il existe une
alternative puisque Nantes Atlantique est suffisant.
L’avocat
d’AGO pleure à nouveau : on ne doit plus l’embêter une fois qu’on lui a
accordé la DUP.
Et voilà,
par cette audience, la vraie question de fond est posée ; réponse lundi
prochain.
Merci aux
collègues qui ont bien voulu relire.
Par Marcel,
paysan à Notre Dame