vendredi 13 avril 2012

Quelques dommages collatéraux...

        On me dit souvent que çà ne doit pas être facile de se faire exproprier. La plupart du temps, je réponds évasivement, non ce n’est pas facile. Mais nombreux sont les gens, et moi la première, à ne pas saisir la pleine mesure de la situation. Car le plus difficile n’est pas de se faire exproprier, le plus difficile est de se construire dans ce contexte. Ce projet fait partie de ma vie et même si je n’en n’ai pas entièrement conscience, il m’a énormément marqué.
    Depuis mes plus jeunes années, je sais que l’endroit où je vis risque d’être détruit. Je sais que je devrai partir, abandonner ma maison, et tout ce que j’y ai construit. Je sais que je devrai prendre un autre départ. Je sais que mes souvenirs seront souillés, coulés sous du béton. Je sais que les champs où je cueillais des mûres seront dévastés. Je sais que les chênes que j’observais, des heures durant, seront arrachés. Je sais que je n’apercevrai plus de renards courant à l’ombre des haies. Je sais que je ne m’assiérai plus dans l’herbe haute observer le soleil couchant.
     Ce projet m’a refusé l’illusion d’une protection, il m’a plongé trop tôt dans l’insécurité de ce monde. J’ai dû grandir en sachant le futur incertain, j’ai dû me construire dans la précarité. J’ai accepté le fait de ne pas faire de projets, de ne pas me projeter dans l’avenir. Et c’est ainsi une partie de mon enfance que cet aéroport m’a arraché. Cela peut sembler anodin, mais même à présent, je n’ai aucune confiance en l’avenir. L’insécurité laisse des traces que même le temps ne parvient pas à effacer. Pour nous, enfants ayant grandi avec ce poids, le monde a vite perdu son caractère enchanté et la réalité nous rattrape …

De Pauline (17 ans), fille de Sylvie et Marcel




4 commentaires:

  1. J'ai une fille de ton âge, certes la vie est un éternel combat mais elle vaut la peine d'être vécue tant qu'il y a quelqu'un pour penser à toi, tant que tu as de l'amour autour de toi. Tu es l'avenir et l'avenir peut aussi se construire ailleurs mais la cause de Notre Dame des Landes n'est pas encore perdue et nous sommes des milliers à vous soutenir. Courage Pauline.

    Elisabeth

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  2. Jacques Tournat14 avril 2012 à 12:41

    j'ai signé la pétition, c'est pour vous soutenir dans votre combat. c'est un combat pour l'avenir car il t'appartient ainsi qu'à mes enfants.
    courage, ne lâche pas. Ce sont des gens comme vous qui donne l'envie de continuer, vous êtes remarquable par le simple fait que vous résistez, vous êtes la vie.

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  3. Pauline, se construire dans la précarité est le propre de l'espèce humaine, l'homme étant le seul, semble-t'il à envisager sa fin inéluctable. Ce qui est révoltant ici, c'est que cette précarité, comme tu dis, cette mise à mort, je dirais, est décidée par des personnes sensés oeuvrer pour le bien de leurs concitoyens. On me dira que le bien de la communauté passe avant le bien de l'individu, mais ici on sacrifie les intérêts d'une communauté à ceux d'un petit nombre qui compte en tirer un avantage économique et/ou politique. Il faudra s'en souvenir en déposant son bulletin dans l'urne pour les échéances à venir !

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  4. A 17 ans, je travaillais comme aide familiale sur la petite ferme de mes parents dans le Morbihan. Je n'avais ni la maturité ni la réflexion que tu as et je ne me projetais pas non plus dans l'avenir. L'insécurité de l'enfance nous poursuit toute la vie, elle est aussi source de force, de conviction,de construction, de création et je te souhaite un bel avenir dans une époque plus ingrate, plus hostile moins généreuse que celle de ma jeunesse, celle des années 60-70. Tu as l'entourage familial, la sécurité affective et la solidarité de milliers de personnes d'ici et d'ailleurs dans le monde pour garder l'espoir.
    A près de 70 ans je suis encore nostalgique de ma terre natale et je crois que je n'en ferai jamais le deuil.
    Merci beaucoup d'avoir communiqué et partagé ton vécu avec autant de finesse et de subtilité pour me toucher au cœur.

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