dimanche 3 avril 2016

avec les grévistes de la faim de Calais


Nous entrons, 5 ou 6 grévistes sont là sur des divans et des chaises. Les lèvres cousues ne sont pas choquantes, cela me fait penser à des piercings. Nous n’entrons qu’à 5 mais il y a peu de place. Quatre Anglais sont là et discutent tranquillement. On se demande si on dérange, si on doit s’insérer dans la conversation ou parler de la pluie et du beau temps. Est-ce juste de l’incompréhension ? Ou avons-nous commis une maladresse ? Marie et S commencent à parler en anglais et le dialogue se met en place peu à peu.  La double barrière du langage rend le dialogue difficile et long : du français à l’anglais puis de l’anglais au farsi et réciproquement.
 

Nous exprimons notre soutien sur le mode d’action, les valeurs qu’ils défendent et nous disons les liens que nous voyons entre nos combats.

 Nous expliquons notre organisation avec grévistes et groupe d’accompagnement, notre calendrier d’action pensé avant et calé sur les élections présidentielles, le relai entre grévistes et les exigences revues à la baisse (pas d’aéroport devenu pas d’expulsions).

 Ils disent qu’ils n’ont pas confiance dans leur interlocuteur de la préfecture (directeur de la cohésion sociale) : il peut dire oui, mais ne tient pas ses promesses. Lors d’un mouvement de grève de la faim, il y a trois ans ce fut déjà le cas.

Nous, nous avons obtenu des engagements écrits, ils étaient diffusés dans la presse et il était difficile de ne pas les tenir.
Ce n’est qu’au bout de 20 jours que notre grève a commencé à être entendue et à inquiéter les décideurs.

 

Leurs exigences sont de deux ordres : pas de destruction de la partie nord de la jungle et qu’il y soit apporté plus de confort et d’autre part la mise en place d’un bureau britannique pour enregistrer les demandes des migrants.

Ils n’inquiètent personne et se demandent s’il faut aller plus loin, cesser de boire, se coudre les paupières pour être enfin entendus.

Cela nous fait peur : une grève de la soif est rapidement mortelle.
 Des lésions supplémentaires risquent de mettre de la distance avec les soutiens possibles, de rendre la communication plus difficile sans inquiéter les décideurs, bien au contraire. Nous gardons ces commentaires pour nous et la suite nous donne raison.

 

Ils ont peur lors de l’arrêt de leur grève, d’être à la merci de la police qui les aura repérés. 

C’est vrai ! cela met mal à l’aise. Quoi que l’on fasse, nous sommes toujours blancs avec papiers. Le contraste est fort.

la police fait toujours partie du paysage
 

Un Anglais qui vient d’entrer nous demande si nous avions des moments dépressifs. Eh bien , non, portés par les militants, détestés par les porteurs du projet que nous gênions vraiment. C’était très confortable sur le plan moral. 

Ils nous remercient pour le déplacement et le temps consacré. 

Nous nous quittons après des embrassades fraternelles. . Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés, mais heureusement plus que 20 mn.
 

A la conférence de presse, peu de journalistes, désolant.

conférence de presse.... noter le bulldozer à l'horizon
 

Nous faisons une mise en commun avec S, M et leurs amis : - conditions très dures sur le plan moral –cadre très déprimant, peu de relai   - peu de soutien alors qu’ils se battent pour la communauté des migrants  - et surtout le rapport de force n’y est pas. 

Nous cherchons ensemble comment améliorer ce rapport de force.

 l'équipe ayant fait le voyage
 

De retour, deux jours plus tard, nous apprenons qu’ils ont cessé leur action. Leur communiqué laisse perplexe : « nous avons décidé d’arrêter notre grève de la faim…par respect pour ceux qui nous soutenaient, qui avaient un réel souci de notre bien-être et comme un geste de confiance que l’Etat tienne ses engagements…. » 

C’est une bonne décision pour leur santé et pour continuer à  lutter pour les droits des migrants. 

Nous espérons vraiment qu’ils en gardent une haute estime d’eux-mêmes. Ils sont des êtres humains, restés debout dans des conditions très dures et qui se sont battus pour leurs frères.

Merci aux copains et copines pour leur relecture

De Marcel, paysan à Notre dame

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