mercredi 16 janvier 2013

Vigie postale Elysée - Lettre n° 10
La « fatalité » n’est pas un argument face aux exigences environnementales
Philippe Trotté - 25 octobre 2012

Philippe TROTTE
Maire
44360 Vigneux de Bretagne
Tél : 02 40 57 39 50

Avec le soutien de la coordination des opposants au projet de nouvel aéroport.

Vigneux de Bretagne, le 25 octobre 2012
                                                                                     
                                                                                                    à

                                                                                                     Monsieur le Président de la République
                                                                                                     Palais de l’Elysée
                                                                                                     55 rue du Faubourg Saint Honoré
                                                                                                     75008 PARIS

Copie : Madame Delphine Batho, Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie

                         
Objet : enquêtes publiques portant sur l’aménagement de la plateforme aéroportuaire, la requalification de la VC 3 et le programme viaire d’accompagnement des voiries


Monsieur le Président,

Vous avez reçu ces dernières semaines des courriers de Marcel et Sylvie Thébault, de Brigitte et Sylvain Fresneau et de Chantal et Thierry Drouet, de Geneviève Lebouteux, de Jacques Chiron, de Françoise Verchère, de Patrick Baron, de Michel Tarin et de Anne Marie Chabod soutenus par l’ensemble de la coordination des opposants au projet de nouvel aéroport à Notre Dame des Landes, vous demandant un entretien. Je réitère donc aujourd’hui cette demande d’entretien.

Nous, maires des communes directement concernées par l’aspect foncier du projet d’aéroport à Notre Dame des Landes, avons été sollicités pour que nos communes expriment un avis lors des enquêtes publiques ayant eu lieu du 21 juin au 7 août 2012. Les maires ou conseils municipaux de 12 communes sur les 18 sollicitées ont exprimé un avis défavorable aux objets abordés par  l’enquête publique.

Alors même que des démolitions ont lieu en ce moment – dans des conditions tout-à-fait contestables de non tri et de pression policière absolument disproportionnée -, le résultat de l’enquête publique n’est pas encore rendu : un comble ! Nous rappelons, sur cette enquête dont nous ne connaissons pas les conclusions, nos nombreuses interrogations :
  • Tout d’abord, nous nous étonnons que plus de deux mois après la clôture de l’enquête publique (délai « standard »), les conclusions de la Commission d’enquête ne nous soient toujours pas connues.
  • Sur la période choisie : la période du 21 juin au 23 juillet 2012, prolongée au 7 août, est contraire à tout bon fonctionnement démocratique du débat public. La période estivale est mal choisie et la durée d’un mois de l’enquête a rendu difficile pour les citoyens la capacité de prendre connaissance d’un dossier aussi volumineux et aussi complexe en aussi peu de temps. Il est intéressant, au passage, de noter qu’habituellement les services de l’Etat déconseillent aux communes de lancer une enquête publique en période estivale, mais ne le font pas pour leur propre compte.
  • Nous considérons que, tout comme les citoyens, nous n’avons pas eu le temps nécessaire à la prise en compte des enjeux de ces enquêtes, dans la mesure où la première réunion d’information qui a permis aux élus de prendre connaissance des enjeux n’a eu lieu que le 19 juin 2012 (pour un début d’enquête deux jours après !) et que la densité des documents d’enquête ne permettent pas une étude sereine en vue d’un débat en conseil municipal.
  • Nous nous inquiétons d’avoir eu des informations à l’occasion de la réunion du 19 juin qui ne sont pas relatées dans les dossiers soumis à enquête. Ainsi, plusieurs élus sont prêts à attester avoir entendu les maîtres d’ouvrage du projet faire mention de zones d’activités économiques, notamment au sud du projet. Or, aucun projet de cette nature ne figure dans les dossiers
  • Sur le périmètre du projet, la note de synthèse indique que « la demande porte sur les aménagements nécessaires à la mise en service de l’aéroport en 2017 (prévue pour 4 millions de passagers) et non pas sur les phases d’extensions futures qui feront l’objet de demandes d’autorisations ultérieures ». Il est contestable que les dossiers ne tiennent compte que de la situation à court terme, sans vision d’ensemble des enjeux de ce projet. Une telle analyse tronquée ne peut qu’obérer les enquêtes publiques, la population n’ayant pas tous les éléments à sa connaissance pour lui permettre de donner un avis éclairé.
  • Si les fonctions hydrologiques, biologiques et de biodiversité ont été évaluées, quantifiées, hiérarchisées dans différents tableaux, l’usage agricole et les agriculteurs sont oubliés. L’agriculture n’est vue qu’au travers des mesures compensatoires pour rétablir des zones humides et de la biodiversité. Un état initial de l’usage agricole et de sa valeur économique devrait apparaître dans ce document ainsi que les mesures pour rétablir cette même activité qui fait vivre 48 exploitations agricoles. Dans cette logique, l’agriculture va payer un double tribut : elle est chassée de ses terres par la construction du projet et en plus elle devra fournir les surfaces nécessaires aux mesures compensatoires environnementales. Comment cela est-il compatible avec le SCOT et le Schéma de Secteur de la CCEG qui  demandent de pérenniser 32 000 ha de terres agricoles sur le territoire de la CCEG et avec le PEAN (Périmètre de Protection des Espaces Agricoles et Naturels) codifié dans le code de l’urbanisme qui a pour objectif de protéger pour au moins 30 ans les espaces agricoles et naturels afin de renforcer l’intervention publique foncière et sécuriser les activités qui s’exercent dans les espaces périurbains.
  • Les informations relatives aux offres alternatives en transport en commun ne sont pas assez développées. Pourtant, la mise en service du Tram-Train à l’ouverture permettrait d’économiser nombre de places et la construction de parkings-silos permettrait de diviser par 5 ou plus la surface imperméabilisée. En outre, les impacts liés à l’imperméabilisation conséquente sont peu évoqués et « noyés » dans la masse de documents. Ils ne sont pas traités en tant que tels. La logique voudrait que l’offre de transport en commun soit largement développée et que l’offre de stationnement automobile soit régulée au maximum, de sorte à inviter les usagers à emprunter les modes de déplacement collectifs. Or, 7 000 places de parking sont mentionnées, en très grande majorité en stationnement de surface, source d’imperméabilisations importantes des sols. Par comparaison, à l’heure où la plupart des grands ensembles commerciaux développent des parkings en silos (y compris dans un rayon de 10 km du projet), il est étonnant de constater que le projet d’aéroport ne prévoit pas de telles mesures.
  • Enfin, les règles de compensation indiquées dans la note synthétique (cf. « Note synthétique relative au dossier de demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau » – 8-1, 17 pages) étonnent  puisqu’il est indiqué que s’applique « une échelle de coefficient de 0,25 à 2 par hectare impacté, inspirée de l’échelle de coefficients possibles présentés dans la fiche d’aide à la lecture de la disposition 8-B-2 du SDAGE Loire-Bretagne, permet d’aboutir à une compensation de 559 unités de compensation pour l’aéroport ». Cette échelle de coefficient laisse un peu perplexe quand on pense aux contraintes que les services de l’Etat (police de l’eau en particulier) imposent aux maîtres d’ouvrage sur d’autres projets, même de moindre importance en surface. De cette interprétation découle une situation pour le moins paradoxale. En effet, les autres projets d’aménagement en cours sur ce territoire sont, eux, soumis à la règle de doublement des surfaces.
  • Sur ce dernier sujet, encore, Les porteurs du projet affirment seulement : « Sur le site déclaré d’utilité publique, il n’existe pas d’alternative avérée à la destruction d’une partie des zones humides. Malgré une conception recherchant le moindre impact sur les milieux humides, la destruction d’une partie d’entre eux ne peut être évitée.» Cette position semble pour le moins étonnante car la « fatalité » n’est pas un argument face aux exigences environnementales et ne fait en aucun cas la démonstration d’un intérêt public majeur.

Dans l’attente de vous rencontrer, nous vous assurons, Monsieur le Président, de notre  haute considération.
   
Philippe Trotté,
maire de Vigneux-de-Bretagne

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