Vendredi 4 septembre,
à 8h30 du matin, je partais en tracteur alimenter mes vaches taries au pré.
Juste à la maison de Claude et
Christiane, je croise une voiture grise avec 3 personnes à bord. Je m’arrête en
serrant au plus près (le passage est étroit !), fait signe à la voiture de
passer. Les occupants de la voiture me regardent (je me dis que leur têtes ne
me sont pas inconnues), et la voie étant dégagée, je repars. Mais arrivée dans
le 2ième virage (700 mètres plus loin), je revois la même voiture
dans mon sillage. Je m’arrête, la voiture également et les gens sortent. Là, je
reconnais : il s’agit de gendarmes de Blain en civil. Ils ont un papier à
me remettre : une convocation en vue d’une audition libre pour le mardi 8
septembre à 9h30 à Blain. Motif : je suis « soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction de
dégradation ou détérioration du bien d’autrui commis en réunion le 27/10/2014
entre 15 heures et 17 heures à DRUCAT (80) route du plessis. »
Ma première réaction est de rire en disant « c’est quoi
ces conneries ?» ; ma deuxième en regardant la date est de m’exclamer
«Ouah, quelle réactivité ! ».
J’apprends plus tard que 2 autres personnes sont convoquées
le même jour parce que leur numéro de portable est sur un tract d’appel à
manifestation pour se rendre en tracteur à Amiens au procès de camarades de la
Confédération Paysanne le 28 octobre 2014.
Mardi 8 septembre, je me rends donc à la gendarmerie pour
répondre aux questions. Beaucoup de temps consacré à l’état civil, celui de mes
parents… Je lui demande la peine
encourue pour l’infraction : « 5 ans de prison et 75.000 euros
d’amende » (il s’agit bien sûr de la peine maximale ; cela
impressionne davantage!).
Et puis les questions sur ma présence à Drucat… Je réponds
que je n’y étais pas. J’ai 30 témoins qui peuvent en attester. Regard intéressé
du gendarme (peut-être content d’écourter l’interrogatoire ; il a sûrement
d’autres choses plus importantes à faire ; du moins je l’espère !).
« Qui ?, me demande-t-il. Je réponds qu’il s’agit de mes vaches.
« Qui d’autre, en dehors de vos vaches ? » insiste-t-il ;
je ne vois pas quoi lui dire. Retrouver précisément son emploi du temps 9 mois
plus tôt est un peu difficile. Une seule certitude : j’ai trait mes vaches
le matin et le soir du 27 octobre, le 28 octobre également. Je précise que
malgré toutes mes qualités, je n’ai pas le don d’ubiquité.
On me présente la photo qui m’incrimine : je vois juste
une personne aux cheveux courts de sexe indéterminée. Je précise que je ne me
reconnais pas sur cette photo. Question sur mes connaissances (les 2 autres copains convoqués, un autre interrogé
15 jours plus tôt). Je réponds que je les connais. Question sur ma coupe de
cheveux (« est-elle toujours la même ?). J’ai franchement envie de
rire… On me demande mon numéro de portable. Je refuse de le donner.
« Pourquoi ? », s’étonne-t-il ? Je lui dis que « c’est
privé » et lui demande s’il veut
bien me donner le sien. « Pourquoi n’étiez-vous pas à Drucat ? »
me demande-t-on. Parce que je travaillais, je réponds. « Votre portable
pouvait-il être dans la Somme dans ces moments-là ? ». Je réponds que
c’est possible, Marcel étant allé le 28 octobre en car à Amiens, avec ou sans portable, je n’en sais rien…
J’ai envie de dire que l’atmosphère devient vite pesante
dans une gendarmerie, confinée à 3 dans un tout petit bureau. Je trouve la
situation grotesque.
Pour finir, j’ai droit à une séance de prises d’empreintes et de photos. Je demande si je suis obligée. On me laisse entendre qu’on a les moyens de m’obliger à les donner. Pressée d’en finir, je m’exécute en disant « la prochaine fois, je mettrai des gants !». Après ce moment d’intimité, je me permets de demander au gendarme si ,dans l’exercice de sa fonction au quotidien, il retrouve toujours les raisons qui l’avaient amené à choisir ce métier. Il me répond qu’ « il a toujours voulu être gendarme mais que avec Notre Dame des Landes,… ». Je garde le reste de sa réponse pour moi ; je ne veux pas lui attirer des ennuis de la part de sa hiérarchie.
Dois-je être fière d’être aussi célèbre auprès des gendarmes
pour qu’en voyant une très vague photo, ils pensent aussitôt à moi ? Je le
vis comme une tentative d’intimidation (« on vous a à l’œil ; gare à
vous! ») mais cela a aussi pour conséquence d’exacerber mon sentiment de désolation sur le pouvoir en
place, la justice et le rôle de la gendarmerie… Et je ne dois pas être la seule
citoyenne dans ce cas…
J’ai envie de conclure en disant qu’en France, la libre pensée
est autorisée tant qu’on ne conteste pas les normes et les décisions des
politiques.
Salut Sylvie ,
RépondreSupprimerJe suis allée à Amiens en car et peux attester que seul Marcel y était présent , sorti d'un cat également . Comme d'habitude , un sur deux . Les vaches ne s'abandonnent pas ne serait-ce qu'une journée !
C'est honteux , ignoble ! Qui a commis les supposées dégradations ? Des paysans vraiment ? On peut raisonnablement en douter ...