dimanche 10 janvier 2016

Notre manif...


 
 
Cela a bien commencé. Je quitte la maison à vélo, j’entends du bruit à côté et je rejoins les voisins à vélo eux aussi. Nous sommes 200 vélos à Notre Dame au départ. Des vélos nous rejoignent à chaque carrefour de la Zad. Vigneux se traverse tranquillement. Quand on explique aux gens bloqués par le passage du convoi  qu’ils vont pouvoir continuer leur route dans 10 mn dans le pire des cas, ils font demi-tour.  Arrivés sur la 4 voies, là c’est le délire. C’est large, ça roule si bien, le vélo avance tout seul. Les voitures de l’autre côté klaxonnent joyeusement. Tous à vélo sur le bitume réservé aux voitures, on a un peu l’impression d’avoir changé le monde, au moins pour un instant. Et puis, on est heureux d’être ensemble . On est obligé de faire une pause, sans doute parce que l’on va trop vite. On repart, discussion avec un voisin qui va bosser tous les jours à Nantes en vélo, chapeau ! Nouvel arrêt et long celui-là, au zénith. Le temps de coordonner plusieurs convois.
Le temps aussi de discuter avec les chauffeurs de tracteurs. On sent déjà que l’on est nombreux : des paquets de cyclistes nous rejoignent depuis les routes voisines. Engagement en douceur sur le périphérique. Montée du pont de cheviré, là à fond ! Il y a de la place pour doubler. Arrêt au pied de la sono. D’un côté, on voit le défilé sans fin de tracteurs sur le pont ; de l’autre, les piétons arrivent et on n’en voit pas le bout. C’est énorme. Là-haut, les dieux hésitent à nous arroser (sans doute une commande des ailes pour l’ouest !), mais renoncent finalement.
 
On se salue, tout le monde a le sourire. Cette foule, çà veut dire qu’on est nombreux à se battre pour sauver les terres agricoles, pour sauver la Zad et sauver l’argent public. Cela signifie aussi que toute la diabolisation des zadistes n’a pas fonctionné, que le pouvoir devra tenir compte de tout ce monde et devrait réfléchir avant de nous expulser. C’est un sentiment ambigu de se dire que ces 20000 personnes sont là à cause de nous les historiques: sommes-nous si importants ? Oui, pas par nous-mêmes, mais en tant que l’un des maillons essentiels de cette lutte et de cette entente si incongrue entre gens si différents. Depuis longtemps, tout le monde a compris que si on enlève un des maillons de cette lutte, elle devient fragile. Sommes-nous si fragiles ? Peut-être, et là çà fait peur !
Bon, il faut faire le job ! Je réponds aux caméras et micros. L’intervention, surtout être là à temps pour ne pas perturber le timing. Bien parler dans le micro pour être entendu le plus loin possible et que ce défilé de discours ne soit pas pénible.
Je suis impressionné par l’intervention commune ACIPA COPAIN Coordination Zad, alors là, bravo ! On n’avait jamais fait cela avant. C’est un grand message contre la division espérée, programmée par nos adversaires.
Je croise L. ;  il est en contact avec le cabinet de Hollande, envoie l’état de la situation et attend des retours. J’ai confiance, toute cette mobilisation lourde de sens et de colère maitrisée…IL suffit d’attendre le fruit, il va tomber.
Je me prépare à partir, il y aura pas mal de boulot en rentrant. Défilé des tracteurs avant leur départ, ça n’en finit pas. Tiens ma Sylvie !

Je repars fin heureux. Immense : 20 à 30000 personnes, plus de 400 tracteurs dont 60 qui restent comme prévu pour obtenir la décision finale. C’est une grande réussite : exactement le déroulé que nous avions prévu ensemble, tout le monde est très heureux, c’est parfait. C’est aussi très porteur pour lutter, travailler ensemble à l’avenir. Je suis très fier de nous tous.
En enfourchant le vélo sous la pluie, je me dis : « tiens, je n’ai pas mangé ce midi ! »
Retour sous une pluie pas trop méchante, en pensant aux copains restés là-bas.
de Marcel, paysan à Notre Dame des Landes
 

 

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