Cela a bien commencé.
Je quitte la maison à vélo, j’entends du bruit à côté et je rejoins les voisins
à vélo eux aussi. Nous sommes 200 vélos à Notre Dame au départ. Des vélos nous
rejoignent à chaque carrefour de la Zad. Vigneux se traverse tranquillement.
Quand on explique aux gens bloqués par le passage du convoi qu’ils vont pouvoir continuer leur route dans
10 mn dans le pire des cas, ils font demi-tour. Arrivés sur la 4 voies, là c’est le délire. C’est
large, ça roule si bien, le vélo avance tout seul. Les voitures de l’autre côté
klaxonnent joyeusement. Tous à vélo sur le bitume réservé aux voitures, on a un
peu l’impression d’avoir changé le monde, au moins pour un instant. Et puis, on
est heureux d’être ensemble . On est obligé de faire une pause, sans doute
parce que l’on va trop vite. On repart, discussion avec un voisin qui va bosser
tous les jours à Nantes en vélo, chapeau ! Nouvel arrêt et long celui-là,
au zénith. Le temps de coordonner plusieurs convois.
Le temps
aussi de discuter avec les chauffeurs de tracteurs. On sent déjà que l’on est
nombreux : des paquets de cyclistes nous rejoignent depuis les routes
voisines. Engagement en douceur sur le périphérique. Montée du pont de cheviré,
là à fond ! Il y a de la place pour doubler. Arrêt au pied de la sono. D’un
côté, on voit le défilé sans fin de tracteurs sur le pont ; de l’autre,
les piétons arrivent et on n’en voit pas le bout. C’est énorme. Là-haut, les
dieux hésitent à nous arroser (sans doute une commande des ailes pour l’ouest !),
mais renoncent finalement.
On se salue, tout le monde a le sourire. Cette
foule, çà veut dire qu’on est nombreux à se battre pour sauver les terres
agricoles, pour sauver la Zad et sauver l’argent public. Cela signifie aussi
que toute la diabolisation des zadistes n’a pas fonctionné, que le pouvoir
devra tenir compte de tout ce monde et devrait réfléchir avant de nous
expulser. C’est un sentiment ambigu de se dire que ces 20000 personnes sont là
à cause de nous les historiques: sommes-nous si importants ? Oui, pas
par nous-mêmes, mais en tant que l’un des maillons essentiels de cette lutte et
de cette entente si incongrue entre gens si différents. Depuis longtemps, tout
le monde a compris que si on enlève un des maillons de cette lutte, elle
devient fragile. Sommes-nous si fragiles ? Peut-être, et là çà fait peur !
Bon, il faut
faire le job ! Je réponds aux caméras et micros. L’intervention, surtout
être là à temps pour ne pas perturber le timing. Bien parler dans le micro pour
être entendu le plus loin possible et que ce défilé de discours ne soit pas
pénible.
Je suis impressionné
par l’intervention commune ACIPA COPAIN Coordination Zad, alors là, bravo !
On n’avait jamais fait cela avant. C’est un grand message contre la division
espérée, programmée par nos adversaires.
Je croise L. ;
il est en contact avec le cabinet de
Hollande, envoie l’état de la situation et attend des retours. J’ai confiance,
toute cette mobilisation lourde de sens et de colère maitrisée…IL suffit d’attendre
le fruit, il va tomber.
Je me
prépare à partir, il y aura pas mal de boulot en rentrant. Défilé des tracteurs
avant leur départ, ça n’en finit pas. Tiens ma Sylvie !
Je repars
fin heureux. Immense : 20 à 30000 personnes, plus de 400 tracteurs dont 60
qui restent comme prévu pour obtenir la décision finale. C’est une grande
réussite : exactement le déroulé que nous avions prévu ensemble, tout le
monde est très heureux, c’est parfait. C’est aussi très porteur pour lutter,
travailler ensemble à l’avenir. Je suis très fier de nous tous.
En
enfourchant le vélo sous la pluie, je me dis : « tiens, je n’ai
pas mangé ce midi ! »
Retour sous
une pluie pas trop méchante, en pensant aux copains restés là-bas.
de Marcel, paysan à Notre Dame des Landes
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